30 décembre 2006

Mode d'emploi...

Athènes, il ya juste six mois...

La date impose le bilan. Ecrire régulièrement est devenu une contrainte et un plaisir. Le texte impose ses mots. C'est une découverte étonnante. Progressivement, le post a pris une forme particulière et m’oblige à la respecter. Comme un artisan, je dois suivre une règle stricte de fabrication.
D’abord, avoir un début d’idée, quelque chose à dire quoi, sans sujet, pas d’objet, juste un artifice, un simulacre. Ensuite, une image pour faire écho, qui va résonner et créer un lien avec l'idée. Il reste à choisir une direction et les relier. L’idée a un caractère général, intemporel, qui vise au système, à l’organisation du monde, au delà des mots. L’image est toujours singulière, instantanée, elle provoque l’émotion, le sentiment, en deça des mots.
Attacher les deux, en papotant comme si de rien n’était, voilà la modalité d’écriture.

Remarque
Le langage contient le monde et l’humanité toute entière.
Enlevons tous les mots, que nous reste-t-il ? Les cris, les grognements...
La soustraction a toujours des effets spectaculaires. Si, demain, on retirait tous les mots, nous continuerions probablement à nous agiter quelques temps sur notre lancée avant de perdre pied. La maladie d'Alzheimer illustre assez bien cette hypothèse. Certains ne se rendraient même pas compte du changement. Les sportifs, et c'est là leur force finalement, continueraient à galoper en tous sens, taper dans la balle et présenter les autres tours d'agileté patiemment appris. Les supporters ne verraient pas non plus la différence...

Question
Pourquoi les mots permettent-ils l'humour, la poésie. Que se passe-t-il donc quand ils franchissent le sens commun pour exprimer autre chose, agir directement sur l'émotion, créer des failles et les combler de rires et de larmes?

28 décembre 2006

Raccourci...

En rangeant machinalement mon bureau virtuel, les deux photos sur lesquelles j'apparais distinctement se sont rapprochées, hasard du monde binaire, et je suis resté interdit.



“Dieu m'a créé pour être un enfant, et m'a laissé enfant toute ma vie. Mais alors, pourquoi a-t-il laissé la Vie me frapper, m'enlever mes jouets et m'abandonner dans la cour de l'école, froissant de mes mains frêles mon tablier bleu, tout sali de larmes ?..”

Ce rapport au monde, un peu pathétique chez Pessoa, est un trait naturel fondamental de l'espèce humaine. Jamais achevés, nous gardons à l’état d’adulte, des traits de l’enfance. Nous arrivons au monde non terminés et une grande partie de notre processus de maturité se fait à l’extérieur du ventre maternel et au sein de la communauté humaine. L’élevage humain a un rôle important dans le développement de notre cerveau. Ce qui au départ est une fragilité extrême devient un avantage considérable par la suite, puisque la maturation peut alors comporter la transmission de la culture. Notre capacité d’étonnement, notre curiosité, dite naturelle, notre ouverture au monde, notre absence de spécialisation sont les traits de notre inachèvement.
Notre société encourage cette immaturité mais nous laisse parfois comme le pauvre petit Fernando.

Remarque:
"Néotonie"... c'est le terme utilisé par les gens bien élevés pour aborder cette question...

21 décembre 2006

Les tempi...

En fonction du lieu dans lequel on apparaît, on va devoir apprendre une certaine danse de la vie. La culture dans laquelle on habite est déterminante pour nous faire prendre le bon rythme et garder le tempo ...

Premier tempo, hors du temps...

Dans les premiers temps, le monde, à l’image de notre petite planète, tourne indéfiniment. Les saisons et les activités sont immuables et dictées par la nature. Pas d’histoire, pas d’écrits, juste la transmission de gestes. Le temps est circulaire et l’éternité est le quotidien. Le bout du monde est au bout du champ, on y danse aux pas de l'âne.


Deuxième tempo, quatre temps...

Dans les temps suivants, le temps se déroule. Enraciné dans le passé, déterminé dans le présent, projeté dans le futur. C’est le temps de l’écrit, de la transmission. Le temps est linéaire et chaque âge a sa durée, enfance, adolescence, maturité, viellesse. Le bout du monde est de l'autre côté de la frontière. On y danse au rythme de l'automobile, moteur à quatre temps.


Troisième tempo, instemps...

Dans la fin du temps, l’instant prend le temps en otage. Le temps n’a plus de sens. Il ne se situe plus. Il se révèle dans la simultanéité des images et des mouvements. Plus de passé, pas de futur, éternel présent. L’âge et la durée disparaissent. On est jeune ou on n'est pas. Le monde n'a plus ni commencement, ni fin. On danse en restant surplace...


Remarque:
Les trois temps coexistent sur notre petite planète. Ils ont des conséquences considérables sur notre vision du monde, notre manière de résister, notre équilibre général...

16 décembre 2006

Gagne-pain...

Comme tout le monde, je travaille de temps en temps.
La société qui organise mon activité est très exigeante. Il faut reconnaître que mon boulot est très particulier: je suis dresseur de personnes de petite taille.
Je ne peux pas vous tout vous dévoiler, je suis soumis à un devoir de réserve mais je prends le risque de diffuser quelques informations sur cette étrange profession.
L'espace dans lequel j'évolue est clos, constitué à la fois de bâtiments froids et d'espaces extérieurs non aménagés. Les petites gens dont j'ai la charge sont déposées chaque matin par leurs propriétaires. Nous organisons alors une surveillance rapprochée même si le grillage qui entoure le local réduit la possibilité de fuite. Au signal sonore, les petites personnes sont rangées par taille et conduites dans des salles où commence véritablement le dressage. L'objectif principal est de les maintenir assises et silencieuses pendant plusieurs heures de suite. Il faut des années à un bon dresseur pour obtenir des résultats probants, mais jamais définitivement acquis. Il ne faudrait toutefois pas croire que notre activité s'arrête là. On leur apprend aussi d'autres tours, pas toujours spectaculaires mais pourtant très difficiles. Les éléments les plus prometteurs arrivent à faire le silence et, simultanément, à lever un doigt, tout en restant assis. Le dresseur donne alors une récompense à la personne de petite taille. Plus la personne est petite et plus le tour est difficile. Comme le dressage dure des années, on doit maîtriser plusieurs techniques. Ainsi, un bon dresseur pose des questions dont il connaît la réponse et n'interroge jamais celui qui connaît aussi la réponse.
Le sujet étant souvent têtu, retors et remuant, il est parfois nécessaire d’utiliser la manière forte. Mais le métier se perd et ce n’est plus ce que c’était. Aujourd’hui la torture se pratique en cachette, les châtiments corporels n'étant plus autorisés. Alors, pour compenser, certains utilisent les espaces disponibles: coins, murs, couloirs... Un jour, j'ai rencontré un imaginatif qui faisait allonger à même le sol les réfractaires. Pour faciliter l'acquisition du silence et de la station assise, il existe des techniques modernes qui servent de prétexte et facilitent l'adaptation. L'écriture sur des cahiers est un moyen efficace de détourner l'attention des gens de petite taille. Quand le cahier est terminé, on le jette. Depuis quelques années, on peut même le recycler... Quand on n'a pas de cahier disponible, on fait juste les lignes, n’importe quel texte fait l’affaire et si on n’a rien sous la main, une seule ligne répétée à l’infini est tout aussi efficace. Une fois, j'ai vu un dresseur, un peu dépassé, qui avait écarté une personne de petite taille dans une salle isolée et lui avait donné une conjugaison (terme professionnel) à effectuer. Sur la feuille, à moitié déchirée, d'une écriture imprécise, on pouvait lire: je dois me taire, tu dois me taire, il doit me taire, nous devons me taire, vous devez me taire, ils doivent me taire... Sur le bulletin, on allait bientôt pouvoir noter: en progrès.

13 décembre 2006

Les trois mondes...

Le premier des mondes est caché. Il situe la sphère intime. On s'y retrouve la plupart du temps seul avec ses petis calculs, soucis et secrets. Quand l’autre entre dans cet espace ultrasensible, il doit être autorisé. Il se présente nu. Dans cet espace, les corps se délassent, s’enlaçent. C’est le monde de l’intensité et de l’abandon. C’est un monde sans loi. Le lit est son territoire. Valeur absolue.

Istanbul, novembre 2006

Le deuxième monde est confiné. Il définit la sphère privée. Ceux qui l’occupent s’appellent “les proches." Avec eux, on partage le pain, les émotions. Les corps se touchent, s’embrassent, s’irritent. Les règles qui régissent ce monde sont culturelles et coutumières. Une paire de pantoufles et un pantalon mou font l’affaire au quotidien mais pour la fête, rien n’est assez beau. La maison protège ce territoire. Valeur inestimable.

Aix, 24/12/05

Le troisième monde est ouvert. Il situe la sphère publique. C’est celui des étrangers. On les croise, les rencontre, les cotoîe. On s’y présente peigné et habillé. Les corps s’évitent ou s’effleurent par des gestes conventionnés. Les règles sont générales, impersonnelles, communes. Tout le monde s’y retrouve pour s’activer. La planète est le terrain du jeu. Notre valeur est un, ni plus, ni moins.

New York, mars 2006

Bon, et alors?

Ces trois mondes ne sont pas donnés, ils ont été conquis. Ils sont poreux et leurs frontières sont variables, incertaines. En inventant un quatrième monde, la religion envahit l’espace intérieur, dicte à chacun ce qu’il doit penser et faire, régit l’espace occupé et élimine progressivement la distinction entre les mondes. Dans un mouvement symétrique, les régimes totalitaires ont cherché, au nom d'un monde meilleur, à détruire les espaces privés et intimes.

Berlin, février 2006
Remarque 1
Pour assurer et garantir notre équilibre, notre dignité et notre liberté, chacun des mondes doit être délimité, occupé et protégé.

Remarque 2
Je ne sais pas pourquoi je vous parle de ça.

07 décembre 2006

L'année volée...

Au quotidien, certaines heures sont lentes, d'autres disparaissent sans être vécues. Il existe des minutes cruciales, déterminantes mais la plupart forment une bouillie informe. La semaine reste anonyme. Les jours constituent l'unité de temps la plus banale, bons ou mauvais, ils s'accumulent et forment des petits tas qu'on efface à chaque nouvelle échéance. Les mois sont les plus jolis avec leurs images des saisons. Les années ont un statut particulier, ce sont elles qui tiennent notre compte. Cette perception est relative mais s'inscrit dans notre être, jusqu'à devenir notre première nature.

Cette année, j'ai rompu le rythme imposé; à la place du ici et maintenant répété presqu'à l'infini, j'ai appuyé sur pause et me suis déplacé à la vitesse du désir. Tout a commencé au milieu de l'hiver... les noms qui suivent forment une liste insolite, géographie de mes nuits. On pourrait placer les points, les relier et observer le motif qu'ils dessinent.

Aix, Paris, Lille, Bruxelles, Amsterdam, Berlin, Prague, Vienne, Vérone, Perpignan, Bilbao, Burgos, Salamanque,Ségovie, Madrid,Tolède, Tarragone, Algerola, Naples, Marrakech, Tellouet, Aït Benadou, New York (Washington Street, 19 ème, 52 ème), Athènes, Paros, Santorin, Heraklion, La Canée, Paleochora, Rethymnon, Stavros, Heraklion, Andros, Athènes, Oléron, Prunières, Paris, Shanon, Gallway, Istanbul, Aix.


Maintenant, la part en voyage s'est retirée, j'ai repris la course contre la montre... De temps en temps, je ralentis le pas, je lève les yeux et un morceau de ciel devient évocateur... Combien de réveils avant que la brume des matins lourds fasse disparaître les derniers parfums?

02 décembre 2006

Passe-temps...

Quand j'étais enfant, je m'ennuyais parfois... les après-midi d'été étaient interminables. La sieste était forcée. A cette époque, il faisait toujours trop chaud et c'était encore trop tôt ... alors, je restais allongé, dans la pénombre pour la fraîcheur, à faire semblant d'être fatigué et je relisais des bandes dessinées souples de poche. Les héros s'appelaient Zembla, Akim et Blek le Roc...
Dans l'ennui, le temps ne peut plus s'écouler. Chaque instant se gonfle, et le passage d'un instant à l'autre ne se fait pas. Dans la vie, l'existence et le temps marchent ensemble, on avance avec le temps. Dans l'ennui, le temps se détache de l'existence et nous devient extérieur...
C'était il y longtemps déjà, presque autrefois .
Aujourd'hui, j'aime les jours de pluie quand ils sont rares et qu'ils tombent un dimanche. Pas de scrupule alors à traîner, pas de culpabilité... Idéal pour rester couché avec un gros livre et lever la tête de temps en temps pour regarder la journée passer par la fenêtre.
Entre le pas assez et le trop, le temps ne s'écoule pas toujours au bon rythme, le nôtre. Et pourtant, pas moyen d'y échapper, hors du temps, point de salut. La perception du temps est la principale activité à laquelle nous sommes quotidiennement conviés. Entre, j'ai le temps de rien, qu'est-ce que ça passe vite, et les ça n'avance pas, ça va encore durer longtemps, on passe son temps à jacasser sur la vitesse ou la lenteur de l'écoulement. Souvent, on l'oublie, ça donne, tiens, il est déjà 5 heures, j'ai pas vu passer le temps...
Moins réjouissant, c'est la quantité consommée, quand on jette un coup d'oeil furtif au compteur et qu'on se dit, p... cinquante tout à l'heure... Les petits abus sont appréciés, les excès fichent la gueule de bois.


Comment concilier ces deux nécessités, gagner sa vie et ne pas perdre son temps? ...problème insoluble dont l'issue est, en général, fatale.

(photos, Fuveau, octobre 2005, avant le grand déménagement...)

28 novembre 2006

Gymnastik kotidienne...


On peut le dire de différentes manières, mais le mouvement est toujours le même. En observant attentivement le phénomène, on note bien trois temps: apparaître, paraître et disparaître.

Chaque jour, le phénomène se reproduit. Il relève à la fois du continu et du discontinu.
C'est l'énigme la mieux partagée.


Apparaître semble aller de soi, pourtant le monde est à réinventer chaque matin ... On s'y résout sans trop remarquer l'exploit qu'on réalise. Paraître, c'est la mise en image de cette création pour la journée. Nettoyer, décorer, arranger, difficile de faire l'impasse si on veut sortir, se présenter aux autres qui vivent la même aventure. On se retrouve alors dans le temps organisé, divisé et on s'agite, entraîné irresistiblement par le manège désenchanté sur lequel on affronte le monde.

Et puis, comme à reculons, on se débarrasse, on s'avachit, on s'étale et on disparaît.
Rideau.

... aux trois coups, on réapparaît, prêt à recommencer dans ce qu'on pense être le lendemain...

(photos, Istanbul, 31 octobre 2006, Hôtel Celal Sultan, jour de pluie...)

Remarque
Nous restons très sensibles aux histoires d'apparitions et de disparitions...


25 novembre 2006

Point de vue...

Le monde est une affaire sérieuse et notre passage sur Terre une sacrée aventure...

Irlande, photo Jean Heintz (août 2006)

Méditant sur les côtes et les frontières sinueuses entre les Etats, Mandelbrot consulta des encyclopédies en Espagne et au Portugal, en Belgique et aux Pays Bas, et y découvrit des différences de 20 % dans les estimations de leurs frontières communes... En fait, affirma Mandelbrot, toute côte possède, d'un certain point de vue, une longueur infinie.

Irlande, photo Jean Heintz (août 2006)

L'estimation de la longueur d'une côte par un observateur à bord d'un satellite sera inférieure à celle d'un observateur parcourant ses criques et ses plages, qui, à son tour, trouvera un résultat inférieur à celui d'un escargot escaladant tous les galets...

Irlande, photo Jean Heintz (août 2006)

Le sens commun suggère que ces estimations, bien que sans cesse croissantes, tendront vers une valeur finale particulière, la longueur vraie de la côte... Mais Mandelbrot découvrit que lorsque l'échelle de mesure diminue, la longueur mesurée pour la côte croit sans limite, les baies et péninsules révélant des sous-baies et des sous-péninsules toujours plus petites...

Irlande, photo Jean Heintz (août 2006)

Bien que les scientifiques supportent difficilement qu'on utilise leurs raisonnements pour établir des analogies, on ne peut pas s'empêcher de remarquer que cette découverte est facilement transposable pour expliquer la manière que nous avons de considérer le monde. Le point de vue.
Selon que l'on observe le monde à vue d'oeil, au télescope ou au microscope, autrement dit, le nez collé à la réalité, à une certaine distance ou franchement détaché, ce qu'on aura à dire sur les choses sera bien différent ...

...au coin de la rue... 24/11/06


Remarque:
Le niveau microscopique montre une structure identique au niveau macroscopique. ll y a donc quelque chose de distinct du monde qui contient le fondement de l'ordre du monde. De vertige en vertige, cet ordre renvoie à la question : "Pourquoi quelque chose plutôt que rien?"
Si quelqu'un a la réponse...

20 novembre 2006

Vide grenier...

Shopenhauer, dans ses judicieux "Aphorismes sur la sagesse dans la vie" énonce une proposition qui justifie l'existence du blog : "... les quarante premières années de l'existence fournissent le texte, et les trente suivantes le commentaire..."

On pioche au hasard dans la vieille malle. On retrouve une photo, un objet et on est transporté dans un lieu étrange, la mémoire, qui nous murmure de drôles d'histoires. Le corps est posé dans un coin, totalement abandonné et l'esprit vagabonde, reprend à l'envers des chemins oubliés...

...marionnette cassée assise au bord du temps...

L'absence de cohérence, le côté foutrac du blog en est le reflet, modèle qu'on pourrait appeler le vide grenier. Je sors tout, je trie, je jette, je classe, je range, je m'arrête sur un truc... ça dérange, j' hésite, je pose, ça repose, j' écarte, je donne, ça rappproche, je garde, je laisse...

Il faut bien reconnaître que la situation à laquelle on est confronté n'est pas banale... Un jour, on débarque de nulle part, ici, et c'est parti: "grandis, apprends, retiens, fais, travaille, vote, cours, imagine, aime, amuse-toi, vite...


Ce monde qui apparaît, qu'on traverse à toute vitesse, n'est pas trop ordonné et l'angle de vue bien réduit. On accumule, on galope, on s'accroche et puis c'est fini, fauché en pleine course, ou abandonné, épuisé. Prendre le temps d'arracher, de ce chaos apparent, quelques lambeaux pour dessiner des arabesques, alphabet improbable avec lequel on écrit quelques mots...

15 novembre 2006

Double vie...

La musique, le territoire gagné sur le vide. Faire vibrer l'air pour faire bouger le corps et remplir l'âme. Quelques notes et le monde devient familier. Je me suis toujours rêvé au piano, à la guitare, inspiré... dans la réalité, je reste au pied du mur: pas le code d'accès, désaccordé.



J'ai essayé et je n'ai pas ménagé ma peine, rien n'y fit. Incapable. Les méthodes, les instruments, les artifices, les cours, rien, pas le début du son... Fermé à double tour, je suis. Un défi insurmontable, tous peuvent en témoigner. A quinze ans, Le Groupe, deux morceaux, trois accords. Je tenais la basse, quatre grosses cordes... Ecarté de la scène, figuration silencieuse. Depuis, c'est toujours le même étonnement déçu entre le son attendu et le son produit. Un autre se serait découragé, aurait abandonné et serait passé à autre chose... pas moi, je continue, mû par un optimisme... désespéré.

Fernando (Pessoa) affirme que nous avons deux vies. La vraie, qui est celle que nous avons rêvée dans notre enfance, et que nous continuons à rêver, adultes, sur un fond de brouillard. La fausse, qui est celle que nous vivons dans le commerce des autres, celle qui est pratique et utile, celle où nous finissons dans un cercueil. Dans l'autre nous vivons, dans celle-ci nous mourons...

13 novembre 2006

Tous ensemble ?..



Nous observons, en fonction du lieu et de la nature de la relation que nous avons avec nos congénères, des distances uniformes, que l'on peut graduer en fonction du dégré d'intimité que l'on entretient avec eux. Ce qui est certain, c'est qu'on n' aime pas la promiscuité, le contact de l'inconnu. On veut pouvoir le reconnaître, l'identifier. Cette phobie du contact se traduit dans notre manière d'évoluer dans la rue ... le contact involontaire doit être excusé promptement, la vigilance ne se relâche pas...

Scène de la vie quotidienne, Vienne, février 2006

Pourtant, dans la masse, foule qui manifeste, défile, encourage... nous nous libérons de cette phobie du contact. Dès lors que l'on s'est abandonné à la masse, on ne redoute plus le contact. Plus aucune différence ne compte. Qui que ce soit qui vous presse, c'est comme si c'était soi même. Soudain, tout se passe comme à l'intérieur d'un même corps. Plus nous sommes serrés les uns contre les autres, moins nous avons peur les uns des autres. Dans la masse, tous ceux qui en font partie se défont de leurs différences (classe, condition, fortune) et se sentent égaux.


On est vraiment bien tous ensemble...

encore Spencer Tunick...

12 novembre 2006

Tous ensemble...tous ensemble

Istanbul, octobre 2006

Tous ensemble, c'est le refrain ... mais pour le couplet c'est tout seul...

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais ni vraiment militant, ni vraiment engagé, j'ai une opinion mitigée, floue, sur le vote, son efficacité, tout ça... Bien sûr, si on me demande mon avis, je vais dire que c'est bien, que c'est une conquête, que la démocratie ...bref , je suis sûr que nous avons des choses en commun... dans le même temps, on ne pourra pas m'empêcher de penser, ouais, mais bon, mon bulletin, il pèse quand même pas bien lourd... et là, il y aura quelqu'un pour ajouter " si les élections servaient à quelque chose, ça fait longtemps qu'on les aurait supprimées" ou bien , plus radical" élections, piège à cons"... et puis on paye son coup et on rentre chez soi...

Entre l'euphorie des victoires et l'amertume des défaites, toujours de l'excès, liesse ou dégoût ... tout ça n'est pas très raisonnable.
Le pire, c'est la validité du système qui ne prend même pas en compte les préférences réelles des électeurs.

Une mise au point est donc nécessaire...
En instaurant le suffrage universel, on intronise aussi le droit de vote comme unique mode légal d’expression des opinions politiques, ce qui limite notre participation à cette forme précise et relativement inoffensive.
Le vote délégitimise des formes d’action politique plus directes, intenses et expressives, qui sont à la fois plus efficaces et plus satisfaisantes.

Prague, les pavés, février 2006

Double caractère du vote:
-il représente un élément essentiel dans une structure institutionnelle destinée à empêcher que l’état soit excessivement répressif
-il sert de garde-fou contre une citoyenneté excessivement expressive.
Ces éléments mettent en valeur d'une part le caractère frustrant du vote périodique et d'autre part sa fonction de régulation, d'apaisement.

La grosse contrariété c'est que le résultat final ne correspond pas à la somme des choix individuels. Il faudrait pour cela que soient comptabilisées les préférences de chacun sur l'ensemble des candidats...

New York, Pont de Brooklyn, avril 2006

Ce qui est bien, c'est qu'on n'est pas plus avancé. Quand on nous demande comment on veut vivre ensemble, c'est-à-dire la question fondamentale de la politique, on ne nous donne qu'un tout petit papier pour écrire la réponse... voilà le problème.

07 novembre 2006

Le sac de voyage...

Irlande, août 2006

Deux mètres carrés ... au plus. C’est la dimension du territoire que nous occupons. On est là, tout entier dans cette enveloppe de deux kilos.
La surface habitable peut varier, mais l’avantage retiré n’est pas évident...

(Sac de plage, apparemment abandonné, sicile, juillet 2005 ...)


C’est notre sac de voyage. Le bagage est relativement pratique, souple, imperméable et extensible. Il y a 2 modèles de base, garçon et fille (en bricolant un peu, on peut trafiquer le système). Il existe en plusieurs coloris et plusieurs formats. On peut y ajouter des accessoires, des décorations pour le personnaliser.

Les accros, fans de body art poussent jusqu'au tuning... coupure, tatouage, peinture, pelage (!), scarification, chirurgie... tous les degrés, toutes les excès...

Deux exemples:

1) Modèle "Ouille"... succès garanti,facile à réaliser, porter plutôt l'été mais éviter le bord de mer (sable, soleil, eau salée fortement déconseillés).

2) Modèle "Ouïe" sobre, unisexe, tout public, évolutif...


Remarques:
Les élèves de l'école élémentaire, encore sages, consultent régulièrement, dans leur dictionnaire, les planches qui détaillent les différentes fonctions du sac.
Pour les plus grands, il existe des catalogues, régulièrement mis à jour, qui permettent de comparer les nouveaux modèles et leurs options.

03 novembre 2006

Apprendre une langue étrangère...

Le premier barrage quand on est à l'étranger, c'est la langue. La plupart des pays ont choisi de nous laisser dans l'embarras et la confusion. Ils ne font aucun effort pour qu'on accède au sens, qu'on communique... c'est très décevant. Parfois, en étant un peu attentif, on peut quand même se débrouiller...

Un graphème pour un phonème. Comme je l'avais fait remarqué dans un des premiers post, le "k" est bien idéal pour remplacer tous les Q et autres complications.

Je vous propose un parcours ortografik insolite, un usage pratik de transposition fonétik.

Penser à mettre les points sur les "i".
Eliminer les lettres muettes, source d'oubli et d'erreur.
Ne pas hésiter à être direct.

Faire fi des "ph", plus que du "f".
La réponse à la kestion de l'apprentissage de la lecture. Tou silabik: taka ékrir kom tuldi.

Des fois, c'est un peu plus compliké, voire n'importe koi.

Dorénavant, grâce à l'aplikasiyon strikte de la métode silabik , tous les petits français, dès la fin du CP, pourront lire courramment le turc.

(fotos san trukage , Istanbul octobre 2006)

22 octobre 2006

Le fort intérieur ...

Notre sentinelle est parfois réveillée par un bruit, un mouvement inattendu... alors ça s’agite dedans... avant de décider s’il faut sortir ...

Salamanque, 030306

C’est ce qui arrive devant certaines situations... on aurait préféré les éviter, être ailleurs, tourner le dos, mais on est là, on a vu, entendu, et on est bien obligé, dans son for intérieur, d'organiser un petit conseil de guerre, d’étudier les forces en présence et de décider si on va y aller, dénoncer, ou passer son chemin...
La première barrière qui ralentit l’action, c’est la délation, on se retranche facilement derrière: pas ça, pas moi, et on s'éloigne, outragé...

Prague, février 2006

Mais la question reste, nous ratrappe et tourne, lancinante...car, une fois écartée la délation, évidemment condamnable et méprisable, que faire, que dire... il y a probablement un point critique à partir duquel on réagira, on fera face...

Prague, février 2006

... mais en attendant, c’est le moment des petits calculs, des arbitrages entre ce que ça peut coûter et ce que ça va rapporter, l’évaluation du risque...
Pourtant, de l’extérieur, l'examen est relativement simple et on connaît bien la leçon: la loi, dans une démocratie, fixe les règles et définit les limites de ce qui se fait et doit se faire. Elle est l’expression de la volonté générale et on doit la respecter et la faire respecter. C’est notre obligation et notre responsabilité.

... encore faut-il disposer d'une monture fière et vaillante et d'un parasol solide...(Vienne, février 2006)

... entre la théorie et la pratique, il y a un pas, qui parfois ressemble à un grand saut au dessus du vide...

La solution réside peut-être dans l’attitude adoptée par Bartleby qui mesure la marge de manoeuvre à l’aune de ses impressions: “ceci ne me convient pas”. Voilà sa règle. Dans ce refus, ni jugement, ni abandon, il ouvre la possibilité de dire: “moi, je trouve que ça ne va pas, je préfèrerais que ce soit différent”. Cette posture, qui refuse le rapport de force, sape les fondements du conflit à l’intérieur comme à l’extérieur, désarmant...

New York, ONU, 250306
Remarques
D'une part, ce propos ne concerne que les aspérités du quotidien, les affaires courantes, celles qui ne relèvent pas du sérieusement grave. D'autre part, le fait de ne pas faire ou de ne pas dire n’est qu’une illusion. En ne faisant pas et en ne disant pas, je fais et je dis quand même: immobile et muet, je cautionne, accepte, participe ... jusqu'où, jusqu’à quand, et au nom de quoi? ... tourne, vire ...

Bilbao, Musée Gughenheim, mars 2006