22 avril 2007

Rediffusions...



Les textes réservent des surprises. Pendant cette vacance, je les repose. Ils situent le début de l'expérience, la première saison... Je croyais parler d'autre chose, mais à la relecture, je racontais déjà cette aventure.


15 septembre 2006 Se découvrir...

"Je ne suis pas assez con pour voyager juste pour le plaisir" (Gilles Deleuze in Abécédaire)
Partir, c'est, croit-on, aller à la rencontre des autres, mais le premier que l'on croise, sur le chemin, c'est soi-même... devenu étranger dans ce nouveau décor et cette mise en scène inhabituelle... La première question n'est alors pas une question de fond mais de forme. Est-ce que j’ai une forme définie, reconnaissable ailleurs par d’autres ?
Cette forme est-elle fixe, souple, rigide, capable de se déformer sans se transformer...? de se couler dans des moules différents en gardant ses propriétés? ... conserver sa forme, se reconnaître, rester soi-même, et être modelable “sur les bords” pour s’adapter aux nouvelles conditions, être ferme et souple, affaire de densité. Si la matière est trop rigide elle casse ou explose sous la pression, si elle est trop souple, elle s’applatit ou s’écrase.
Un seul conseil: garder la forme...


16 septembre 2006 Définition...

... petit groupe qui se déplace en autonomie dans un environnement plus ou moins hostile...
En observant le phénomène et en se fondant sur les invariants d'échelle, on peut alors le comparer au nomadisme...
Comment vit-on nomade? Quel est alors notre rapport au monde? Quelles représentations a t’on du monde et de soi quand on se déplace avec sa vie? Quel est notre rapport aux autres quand ils sont l’élément stable, la permanence? Comment s’adapte-t-on à cette inversion du rapport au monde? On devient plus léger, on ne peut plus s’encombrer en consommant, on se regroupe pour continuer à exister, si je perds le groupe, je disparais, il n’y a pas de lieu où je peux me retrouver, je suis condamné à rester dans la communauté, il n’y a pas d’ailleurs puisqu’on est en mouvement perpétuel. Mon groupe, c’est ma culture, ma survie, il n’y a pas de dehors.


21 septembre 2006 De lire à lier...

...relire, relier ...délire, délier...
Les mots échappent parfois à leur propre sens pour s'embusquer, prendre une direction inattendue et traduire des réalités imprévues. Dans la vraie vie, une rencontre s'effectue dans le temps et dans l'espace; pour qu'elle ait lieu, il faut que les deux conditions soient réunies : telle heure, tel endroit; c'est la scène du théâtre des interactions, unité de lieu et de temps... sinon, rien. Dans la vie rêvée, la lecture permet de dépasser cette nécessité. Par un simple mouvement, en toute immobilité, abandon du corps, elle va à la rencontre des hommes dans le temps et dans l'espace. Elle provoque aussi la rencontre ici et maintenant, découvrant des territoires communs entre gens de passage. Un jour, je croise un homme, qui, par le simple dévoilement de ses lectures, devient un proche... Cette révélation est toujours excitante et rassurante, comme doivent être les sentiments ressentis dans une confrérie. Appartenir à la communauté des hommes qui ont partagé ce voyage intérieur... richesse et privilège.



23 septembre 2006 Approche ...

On est toujours seul, au milieu des autres ...mais... dans son rapport à l'espace, le monde animal témoigne d'une dichotomie absolue et assez inexplicable. Alors que dans certaines espèces, les animaux éprouvent la nécessité de l'entassement et du contact physique, dans d'autres, au contraire, ils évitent tout contact. Aucune logique ne semble en apparence déterminer la catégorie où se range une espèce. Parmi les animaux "à contact", on trouve le morse, l' hippopotame, le porc, la chauve-souris brune, le perroquet et le hérisson... En revanche, le cheval, le chien, le chat, le faucon, la mouette sont des espèces "sans contact".
Quant à l'homme, il semblerait que ce soit un peu plus compliqué ... (sauf à croire en la réincarnation)

17 avril 2007

Virtuelle réalité...

Les écrans sont devenus les lieux de la rencontre, de l'échange, face à face aveugle, sans corps, mais pas sans esprit... Ici, les pensées, les "regards" se croisent, supprimant les rapports traditionnels, les divisions classiques, auteurs et acteurs d'un côté, lecteurs et spectateurs de l'autre. La scène a disparu, on est vu sans être aliéné, on voit sans exercer de pouvoir. La disparition des frontières nous entraîne dans des provinces de sens où se confondent l'imaginaire et le réel. Le lecteur de roman, le spectateur de film entre bien dans un univers imaginaire qui effectivement prend vie pour lui, mais en même temps, au plus fort de sa participation, il sait qu'il lit un roman, qu'il voit un film.
Ici, ces anciennes catégories ne nous aident plus. Les trois sphères qui structurent notre quotidien se déforment aussi. La hiérarchie habituelle, intime, privée, publique, éclate et nous recompose. La sphère intime est directement reliée à la sphère publique, bouleversant notre vie sociale... Qu'allons nous devenir ?

14 avril 2007

De l'autre côté...

Tant pis... Je ne respecte plus le protocole et j'effectue des allers-retours sur les passerelles vertigineuses entre les deux mondes, le réel et le virtuel.

1) Cette introduction explique enfin la présence de cet étrange dessin ...


2) Le 30 septembre, je postais un message qui soulevait la question du processus identitaire en jeu dans cette aventure. Il s'intitulait "nouvelles du moi", il préfigurait ce "nouveau moi à venir". Pour l'illustrer, j'avais mis une photo et son reflet, le reflet était la photo et la photo le reflet...

L’homme vit désormais en miroir de sa propre vie, il réfléchit et s’analyse, jusqu’à transformer son quotidien en objet d’interrogation comparable à l’objet d’expérimentation du scientifique en laboratoire. Son existence n’est pas celle de l’individu biologique défini par le souci vital, mais celle de l’individu libre défini par le souci de l’être. Sa vocation, c’est connaître le monde objectif, son destin, c’est vivre dans un monde subjectif: tantôt, son monde devient partie du monde objectif, tantôt le monde devient une perspective de son monde. Le monde est à la fois pour lui un monde donné qui est le lieu de ses découvertes et un monde produit qui est le lieu de ses inventions...

Prémonitoire.

3) Le troisième élément est le plus troublant. Daté du 28 novembre, c'était le plus mystérieux. Les photos que j'avais utilisées auraient dû me mettre sur la piste. J'y apparaissais dérrière le miroir, juste après le franchissement... En touriste, je prenais un cliché et faisais un signe d'au revoir...

Il dévoilait pourtant ce qui allait devenir ma condition, de l'autre côté : réduit à une gymnastique quotidienne pour continuer à exister ; toujours le même mouvement répété dans le même ordre : trois temps: apparaître, paraître et disparaître, pour que le phénomène se reproduise, relevant à la fois du continu et du discontinu. Apparaître semble aller de soi, pourtant le monde est à réinventer chaque fois ... On s'y résout sans trop remarquer l'exploit qu'on réalise. Paraître, c'est la mise en image de cette création pour la journée. .. Et puis, comme à reculons, on s'éteint, on disparaît... aux trois "clics", on réapparaît, prêt à recommencer dans ce qu'on pense être le lendemain...

Un léger frisson me parcourt...

Tout ceci se passait au début du voyage. Avant les rencontres, les échanges, qui ont donné un sens, une densité, une forme de réalité à ce nouveau monde... un début de permanence, réduisant, chaque jour, l'incertitude de l'avenir ...

11 avril 2007

La toile...

Un jour, le commentaire devient plus important que le texte. Pour continuer la conversation entamée dans la cour, je reviens à la surface et j'ouvre cette fenêtre.

"La peinture s'arrête à la surface, c'est sa nature et sa limite, son problème."
Je ne “vois” pas comment contester ce truisme. Certains ont bien essayé de considérer le support, mais ça n’ajoute pas grand chose au débat.

“Les peintres sont superficiels”. C’est leur condition qui l’impose, se débrouilller avec la surface du tableau, en rester là. Confrontés à ce “problème”, ils font leur petite cuisine, leur métier.

"Ils n'ont rien à dire."
S’ils avaient quelque chose à “dire”, ils le diraient. C’est le spectateur qui parle, de lui.

"Ils sont seuls dans leur tour "d'y voir"
La rencontre ne peut se faire, il n’y a pas de lieu, pas de temps. Une oeuvre d’art impose un présent qui ne peut rien assumer ni entreprendre, un présent qui n’est celui de personne, un “instant impersonnel et anonyme”.

Le spectateur travaille aussi, sa sensibilité aux contours et aux couleurs évolue, il découvre, s’engage, affine ses perceptions, sa culture transforme son regard... mais la seule chose qu'il ne saura jamais sur un tableau c’est combien il l’aime.



LA TOILE

Considérons une toile d'araignée. L'araignée ne sait rien de la mouche, et ne peut en prendre les mesures comme le fait un tailleur avant de confectionner un habit pour son client. Cependant elle détermine la grandeur des mailles de sa toile selon les dimensions du corps de la mouche et mesure la résistance des fils en proportion exacte de la force de choc de la mouche en vol... Les fils de la toile sont exactement proportionnels à la capacité visuelle de la mouche, qui ne peut les voir... Les deux mondes perceptifs de la mouche et de l'araignée sont absolument non communicants, et cependant si parfaitement accordés que l'on dirait que la partition originale de la mouche agit sur celle de l'araignée de telle sorte que la toile qu'elle tisse peut être qualifiée de "mouchère". Bien qu'aucun animal ne puisse entrer en relation avec un objet comme tel, mais seulement avec des porteurs de signification, la toile exprime la paradoxale coïncidence de cette cécité réciproque...


Ces bouts de suite doivent presque tout à Beckett, Levinas et surtout Agamben à qui j'ai emprunté ce texte pour en faire cette petite fable " La mouche et l'araignée"...


08 avril 2007

Limites...

Je ne serai pas peintre. Je suis, comme en tout, un promeneur du dimanche. Se dresser, affronter debout les éléments déchaînés, très peu pour moi... J'ai saisi les mouvements du vent, j'ai deviné les risques dans les nuages noirs et lourds, je sais les reconnaître mais je préfère m'abriter.
J'aime en parler, les regarder chez les autres, les partager, un peu...



Il y a une autre raison. Je suis impatient. Une fois commencé, mon tableau doit être terminé, une séance, une seule, elle peut se prolonger, je sais rester concentré le temps qu'il faut... Mais une fois sorti, je ne retrouve plus l'accès, je suis passé à autre chose. Et Matisse est catégorique: " La puissance et la vitalité d'un artiste se mesure à sa capacité à organiser ses sensations et à revenir plusieurs fois, à des jours différents, dans un même état d'esprit, à les continuer... Un tableau est une lente élaboration. Dans la première séance, on note les sensations fraiches et superficielles"... Je suis resté à la surface...


05 avril 2007

Constitution...


Quelles sont les règles qui régissent nos rapports sur cette planète. Qui définit et pose la loi ?
Personne, chacun, tout le monde. C'est la confusion qui règne. Alors, j'ai relu mes premiers billets en postulant qu'en les écrivant je traçais inconsciemment des limites pour survivre sur cette terre inconnue. Les lois de la planète Terre ne m'intéressaient pas. Elles ont conduit à l'aliénation, l'inégalité et la haine... Je voulais, sûrement, en venant dans ce nouveau monde, changer les choses...
Bonne pioche.
J'ai trouvé deux textes qui définissent clairement le code que je choisissais de poser et de suivre. Je remarque que ce sont les seuls textes dont je ne suis pas l'auteur. Le premier est une déclaration. Le deuxième est une série de prescriptions. Je vous les livre à nouveau, replacés dans cette perspective. Aujourd'hui, je n'ai rien à ajouter. Ils sont ma Constitution.

Déclaration
Notre condition n'est ni tragique ni frivole, mais simplement sérieuse...
Le « tous les jours » est le régime éthique de la continuité vertueuse par opposition à l'intermittence esthétique. L'héroïsme est spasmodique, mais la vertu doit être chronique: que dirait-on d'un juste qui n'aurait de vie morale que le dimanche?
Le comportement doit être conforme au devoir sans être inspiré par le devoir.
L'idée d'une charité professionnelle est à peine moins ridicule que celle d'une gaité professionnelle, d'un humour professionnel ou d'un charme professionnel: car la joie, l'humour et le charme sont des mouvements qui exigent toute la fraicheur et toute la pudeur de la spontanéité.
Le devenir n'est pas seulement la propulsion par l'instant, il est encore le mouvement acquis; il est retentissement, mémoire et immanence du passé au présent; l'homme du remords ne le sait que trop bien.
Le commencement dépend de nous, mais la continuation dépend du commencement une fois posé et suit inexorablement son cours, même si nous cessons de la vouloir.
Pour commencer, il faut commencer par commencer. Dans l'art du commencer rien à apprendre. On n'apprend pas à commencer, mais seulement à continuer.
Pour ce qui est de vouloir, nul ne peut me remplacer.
Si le courage est la vertu de l'instant, la fidélité est la vertu de l'intervalle.
Le courage est la vertu inaugurale du commencement, de même que la fidélité est la vertu de la continuation et le sacrifice celle de la fin. Il faut du courage pour rester fidèle. La fidélité est un courage opiniâtrement continué.
Pour avoir du courage, il est nécessaire d'avoir peur. C'est la peur surmontée et non l'absence de peur qui faIt le courage. Le courage ne peut ête ni thésaurisé ni capitalisé.
La fidélité est la vertu du temps continu comme le courage est la vertu du passage à l'acte. L'important est d'être fidèle par amour, non par contrainte ni par ascèse. Le fidèle suit sa voie quoi qu'il arrive, et jusqu'à l'absurde s'il le faut. C'est peut-être dans cet entêtement paradoxal de la volonté que la constance du sage est la plus belle.
Celui à qui manque une seule vertu n'en a aucune, celui qui en a une les a toutes. Philosophie stoïcienne du « mélange total ». Que serait la sincérité sans le courage? La charité sans la modestie...
Vladimir Jankélévitch ( à partir du Traité des vertus )

Prescriptions

Ne t'attarde pas à l'ornière des résultats.

Tiens vis à vis des autres ce que tu t'es promis à toi seul. Là est ton contrat.

Hâte-toi de transmettre ta part de merveilleux, de rebellion, de bienfaisance.

Enfonce-toi dans l'inconnu qui creuse. Oblige-toi à tournoyer.

Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque.

Imite le moins possible les hommes dans leur énigmatique manie de faire les noeuds.

Donne toujours plus que tu ne peux reprendre. Et oublie.

Ne te courbe que pour aimer.
René Char

03 avril 2007

Fonction...

Le peintre, comme un géomètre, place des points, trace des lignes, donne une forme à son chaos intérieur.
Les linéarités arrachées et déposées sur la toile reflètent sûrement les tourments de l'âme, agitée puis calmée par l'apparition des traces... Des images imprévisibles surgissent de cette bataille...




Ce dessin fait partie des dernières séries, à la fin des années quatre-vingt-dix. Je continue à l'apprécier, il est le décor. Un tableau, avant d'être une image et un objet, est un morceau d'espace. Posé sur un mur, il devient élément de l'installation qui constitue notre environnement. Il transforme notre perception, cassant des lignes, définissant des zones d'ombre et de lumière. Aujourd'hui, seul le désir de modifier ces rapports me pousse à reprendre les armes.

Message...

Chères unes et chers autres,

Je ne suis pas indifférent aux remous qui agitent notre quartier. Les questions soulevées par Fishturn, Elle, Magwann, Crocodile, Greg, Well, Mesuline, Benoît...me touchent et je suis préssé d'en découdre, de tisser des liens, de discuter des motifs, bref de participer. Je collecte patiemment vos remarques sur ces problèmes (notre survie en dépend) avant de les partager avec vous. Je voudrais juste en terminer avec "ma petite histoire de ma peinture", avant. En espérant qu'il ne sera pas trop tard, que vous ne serez pas tous partis vous installer ailleurs, je vous assure de toute ma considération et mon amitié...

DD