31 mars 2007

Tableaux...

(panneaux rigides et autonomes...)


Bon, à un moment ou à un autre, il faut bien s'y résoudre, on n'est pas peintre juste en faisant des gribouillis sur un morceau de papier. L'artiste doit produire des tableaux de grande dimension, des objets encombrants, en correspondance avec la taille de son talent. Comme tout le monde, je m'y suis collé. Le panneau qui te dépasse, que tu déplaces avec peine, qui te donne l'illusion que ton art t'englobe, t'absorbe... Papier marouflé sur bois, un mètre carré. Du solide. Il vaut mieux les exposer et les vendre plutôt que les entasser, cruel embarras du peintre prolifique et méconnu.




Le côté surprenant des grands tableaux, c'est la disparition du temps pendant la confrontation. Impossible de savoir si une heure, quatre heures, onze heures sont passées, le temps ne s'écoule plus, il reste sagement immobile pendant que tu t'agites avec tes crayons, tes plumes et tes pinceaux. Le temps de la peinture est à la fois suspendu et muet...

28 mars 2007

Dessins...



C'est la base. En général, on commence tôt, sur les bancs de l'école, dans les marges des cahiers, pendant l'ennui des heures lentes, insipides, identiques, qui s'écoulent inexorablement du matin au soir, du lundi au samedi. Le dessin installe le corps dans une posture institutionnellement acceptable et remplit le vide de ces journées molles. Tenir, résister, c'est le cri silencieux du petit dessinateur. Le crayon, devenu baguette magique, glisse discrètement sur le papier, crée des univers parallèles, peuplés d'êtres étranges. Il est doux, calme, il file droit, obéit à la main, l'oeil suit tout ça de près, attentif et intéressé. Ma préférence va aux têtes, mais j'ai un faible pour les nuques et les feuillages...







25 mars 2007

Abstrait...


Un jour, on prend conscience de l'enjeu, un morceau vide du monde à remplir avec les moyens du bord. Peu importe qu'il représente quelque chose ou pas. C'est du pareil au même. On doit associer traits, formes, taches, couleurs, sur une surface, verticalement donnée au regard. Voilà le problème. Il faut résoudre les tensions entre l'ombre et la lumière, le clair et l'obscur, le vide et le plein. Il n'y a ni centre ni périphérie, plus de sujet, juste un objet dont on doit modifier la surface pour attraper et retenir le regard. En abandonnant l'artifice de la figuration, on est confronté à une sacrée solitude. Certains vident leur colère, d'autres donnent une forme acceptable à leur violence, c'est dans la retenue ou l'abandon que se situent les solutions. Rothko enfermait sa souffrance dans des grands aplats colorés, Pollock se jetait, se répandait sur la toile. Choisir l'abstraction, c'est naviguer entre ces deux extrêmes. L'abstraction est sans pitié, elle met l'homme face à son destin et le laisse se débrouiller avec ses maigres forces...

22 mars 2007

Collage...


Le collage, c'est mon truc. D'abord, j'ai horreur de me salir, je redoute les produits toxiques, les mélanges sans fin, les odeurs agressives, les préparations, la cuisine du peintre. Le collage, c'est idéal pour les paresseux. C'est de la création tranquille, pas besoin de faire des plans, des ébauches, des esquisses, tout est simplifié. Dans un carton, il y a les papiers de toutes les tailles, toutes les couleurs, toutes les nuances, tu l'ouvres, tu regardes, tu choisis un morceau, tu le poses et les autres s'imposent les uns après les autres. Tu découpes, tu déchires, tu changes l'ordre des superpositions. Sous tes yeux, les équilibres et les déséquilibres se succèdent. Le plus difficile, c'est de retenir une tension, un équilibre instable et complexe, comme la vie...

19 mars 2007

Couleurs...


C'est pas mon fort. Un peintre, ami cher, me répétait sans cesse cette parole Cézanienne "Quand la couleur est à sa richesse, la forme est à sa plénitude". C'était, paraît-il, la clé. J'ai retenu la formule mais je n'ai pas trouvé l'entrée. J'ai fait des essais, mais le résultat est resté enfantin, du coloriage...




C'est sûr, ça fait peur à personne et ça décore joliment la chambre des petits enfants...

16 mars 2007

Les foules...

Après la série des portraits, des foules d'hommes anonymes à chapeaux ont envahi mon paysage mental. Que venaient-elles faire, qu'avaient-elles à me dire ? Je ne sais pas. Un jour, elles ont disparu et d'autres images se sont imposées. J'aimais bien dessiner ces individus, serrés les uns contre les autres. Il fallait remplir tout l'espace de manière à la fois uniforme et aléatoire. Avec cette série, j'ai pris conscience d'une des composantes de l'image, la surface disponible n'est qu'un fragment, le sujet est partout, il déborde même...



Remarque
Je commençais toujours par dessiner les chapeaux qui sont des formes simples, abstraites, faciles à faire varier. Ensuite, les positions de la tête puis du bout de corps s'imposent, naturellement.

14 mars 2007

Silencieux...

En attendant que les mots reviennent, s'ils reviennent, des images pour passer le temps et occuper l'espace...




Au milieu des années quatre-vingt, j'ai fait une série de portraits à partir de photos prises pendant la crise économique des années trente aux Etats-Unis.
Je n'ai jamais compris pourquoi certains thèmes s'imposaient. Quand ils commençaient à m'occuper, il fallait les décliner, et puis un jour, c'était fini, je n'avais plus rien à faire, à voir avec eux. Si on m'en demandait encore un, c'était presque un supplice que de s'y recoller, une espèce de dégoût...

11 mars 2007

Voyage...



Treize février deux mille six...
Malgré la neige, nous prenons la route. Nous traversons la république tchèque pour rejoindre Vienne. L'autoroute est fermée et nous nous engageons au petit bonheur la chance sur les axes secondaires. Rapidement, nous sommes seuls. Dans la voiture, nous ne faisons aucun bruit, nous surveillons. Les paysages sont monotones, le gris et l'incertitude ont fait monter la tension. La traversée des rares villages devient même inquiétante. Tout est fermé, vide, les lumières sont éteintes, il n'y a aucun véhicule au bord des trottoirs. On supporte bien le silence des espaces sauvages, mais l'opacité sourde qui enveloppe ces lieux habités est insoutenable. On veut fuir et pour se rassurer, on préfère imaginer des histoires invraisemblables qui expliquent le départ précipité des habitants...
C'est "Le chercheur de traces" de Imre Kertész qui m'a fait repenser à cette journée. Une écriture qui élimine, écarte, gomme, ne laissant que quelques traces sur un sol glacé, difficile à suivre.

08 mars 2007

Salle d'attente...


Je ne sais pas si vous connaissez Jean Paul Dubois, c'est un auteur que j'aime bien. J'ai lu tous ses romans. Aujourd'hui, pour attendre chez le médecin, j'avais emporté "Parfois, je ris tout seul". La salle était pleine quand j'ai été surpris par mon premier rire. Je l'ai à peu près contenu; le deuxième a été plus difficile à cacher et, au troisième, je riais à chaudes larmes, tout en cachant le titre du livre. Alors, j'ai arrêté, j'ai fermé le livre, je me suis calmé et je me suis recomposé une figure de patient conforme... En rentrant à la maison, j'ai repris ma lecture et quand j'avais envie de rire, je riais, tout seul.


Souris
"Le jour où ma femme m'a quitté, je n'ai rien dit, je n'ai rien fait, je ne suis même pas sorti de mon appartement. Je suis resté chez moi, seul, et je n'ai rien modifié à mes habitudes. J'ai pris une douche et j'ai mangé en regardant la télévision. Puis j'ai fumé une cigarette, debout devant la fenêtre. Avant de me coucher, je suis allé chercher la souris blanche dans sa cage et je lui ai arraché la tête avec les dents."

Heures
"Il est quatre heures de l'après-midi. Je suis dans la salle de bains. J'ouvre les robinets de la baignoire, du lavabo, je m'assieds sur la lunette des toilettes et les yeux fermés j'écoute le bruit de l'eau.
Il est cinq heures de l'après-midi. Je suis dans mon fauteuil, je regarde la télévision sans le son et je mange des dattes. Je crache les noyaux sur la tête de mon chien.
Il est six heures de l'après-midi. Je suis allongé sur mon lit et, sans quitter ma montre des yeux, je retiens ma respiration le plus longtemps possible. Je dépasse largement la minute.
Il est sept heures du soir. Je suis dans la cuisine, je branche mon transistor à ondes courtes et j'écoute parler des gens dont je ne comprends pas la langue.
Il est sept heures trente. Le journée est finie. Je vais me détendre un moment au salon."

01 mars 2007

Vacance...




Promenades à Budapest, pour découvrir les mots et suivre les pas de Imre Kertész ...