11 avril 2007

La toile...

Un jour, le commentaire devient plus important que le texte. Pour continuer la conversation entamée dans la cour, je reviens à la surface et j'ouvre cette fenêtre.

"La peinture s'arrête à la surface, c'est sa nature et sa limite, son problème."
Je ne “vois” pas comment contester ce truisme. Certains ont bien essayé de considérer le support, mais ça n’ajoute pas grand chose au débat.

“Les peintres sont superficiels”. C’est leur condition qui l’impose, se débrouilller avec la surface du tableau, en rester là. Confrontés à ce “problème”, ils font leur petite cuisine, leur métier.

"Ils n'ont rien à dire."
S’ils avaient quelque chose à “dire”, ils le diraient. C’est le spectateur qui parle, de lui.

"Ils sont seuls dans leur tour "d'y voir"
La rencontre ne peut se faire, il n’y a pas de lieu, pas de temps. Une oeuvre d’art impose un présent qui ne peut rien assumer ni entreprendre, un présent qui n’est celui de personne, un “instant impersonnel et anonyme”.

Le spectateur travaille aussi, sa sensibilité aux contours et aux couleurs évolue, il découvre, s’engage, affine ses perceptions, sa culture transforme son regard... mais la seule chose qu'il ne saura jamais sur un tableau c’est combien il l’aime.



LA TOILE

Considérons une toile d'araignée. L'araignée ne sait rien de la mouche, et ne peut en prendre les mesures comme le fait un tailleur avant de confectionner un habit pour son client. Cependant elle détermine la grandeur des mailles de sa toile selon les dimensions du corps de la mouche et mesure la résistance des fils en proportion exacte de la force de choc de la mouche en vol... Les fils de la toile sont exactement proportionnels à la capacité visuelle de la mouche, qui ne peut les voir... Les deux mondes perceptifs de la mouche et de l'araignée sont absolument non communicants, et cependant si parfaitement accordés que l'on dirait que la partition originale de la mouche agit sur celle de l'araignée de telle sorte que la toile qu'elle tisse peut être qualifiée de "mouchère". Bien qu'aucun animal ne puisse entrer en relation avec un objet comme tel, mais seulement avec des porteurs de signification, la toile exprime la paradoxale coïncidence de cette cécité réciproque...


Ces bouts de suite doivent presque tout à Beckett, Levinas et surtout Agamben à qui j'ai emprunté ce texte pour en faire cette petite fable " La mouche et l'araignée"...