19 mai 2007

Dernière fois...

( Irlande, 25 août 2006)

Il y a neuf mois, j'ai débarqué sur ce rivage. Je suis parti au hasard. La plupart des autochtones que je croisais ne m'intéressaient pas, leurs maisons déversaient à longueur de temps de l'insensé, du vide bruyant et coloré. J'ai continué à marcher. Et puis, une première rencontre, T., m'a ouvert des portes jusque-là inaccessibles. En déposant un message chez moi, j'étais invité à me rendre chez elle. Là, j'ai découvert, ce que je ne soupçonnais pas, un lieu chaleureux, accueilllant, et une liste magique, des liens qui sont devenus mes favoris et que je continue de visiter régulièrement. J'existais pour quelqu'un quelque part sur cette terre hostile et surpeuplée. Depuis, j'ai eu le sentiment de vivre dans un quartier très favorisé, entouré de gens charmants et bien élevés. Dans l'autre vie, qui continuait, on s'est inquiété de ces absences, de me voir partir des heures sans donner de nouvelles, et de raconter au retour ce qui arrive là-bas, ce qu'ils ont dit et écrit. Progressivement, la réalité s'est déplacée... je passais sous assistance respiratoire virtuelle.
Il était temps de débrancher l'appareil, de ressortir...


Londres, avril 2007)
Le voyage fut merveilleux, il laissera des traces, longtemps, très longtemps...


16 mai 2007

Reconnaissance...

( autoportrait, milieu des années...)

Je ne sais pas. J’ai fait le premier pas et j’ai continué à marcher. Aujourd'hui, j’arrive au bout de ce chemin. Il se fait tard et il faut rentrer avant la nuit. Je vais quitter vos esprits et reprendre mon corps, rentrer chez moi, retrouver mes responsabilités. Vous m’avez accompagné au bout de mes mots, vous m’avez habité, peuplé mon deuxième monde. Je n'ai pas eu besoin de vous connaître pour vous reconnaître. Je n’irai pas plus loin, au delà, il n'y a que les gouffres. Sur le chemin du retour, nous continuerons la conversation, les sujets ne manquent pas. Plus tard, sur l’autre rive, nous nous verrons peut-être, un jour, découvrant nos visages, étonnés, et nous reparlerons de cette aventure. Quand nous serons prêts à accepter nos propriétés spécifiques, comme ils disent...
C’est comme ça que je vois les choses maintenant.
L'énigme s'est déplacée... Grâce à vous, je vous salue, reconnaissant.

12 mai 2007

Mise au point...


Je refuse toute constitution d'une partie et revendique l'étonnement et le sentiment comme mode d'agir et de réagir. Je n'ai rien à dire et encore moins à discuter, rien à prouver. De mon point de vue, il n'y a rien à démontrer, juste à montrer. C'est le geste qui fait le signe. Je pense le monde comme un horizon et non comme une échelle. J'écris, comme ça vient, réchauffé par l'écho. Je me laisse glisser dans les songes, vous me faites dire des choses que je n'ai jamais pensées. Détaché, je dérive, entraîné par un courant qui me transporte vers vos rivages. Vous m'occupez sans m'appartenir. Dématérialisés, nos échanges ne peuvent être marchandés, notre bien commun se situe hors du temps. Nous partageons, ici, une communion désacralisée. Je n'ai pas de pourquoi...

(Ce petit carré, réalisé dans les années quatre-vingt, se présente aujourd'hui comme un tableau d'anticipation, coup d'oeil jeté hors du cadre...)

08 mai 2007

Dessine moi un ami...


Quelle histoire... ces commentaires à perdre l'envie de mettre le nez dehors. Prendre le temps de savourer puis revenir sur terre, ne pas se laisser entraîner trop loin par ce chant si doux, s'arrêter quand même un instant pour saisir les raisons de ce charmant mouvement. Cette forme d’échanges, qui provoque de tels élans de sincérité, de générosité n'est pas nouvelle, c'est l'une des conséquences de l'aphabétisation ...

Depuis que la philosophie existe comme genre littéraire, elle recrute ses partisans en écrivant sur l'amour et l'amitié, et si elle est restée vivante depuis 2500 ans, elle le doit à sa faculté de se faire des amis par le texte. Règle du jeu de la culture de l'écrit, les expéditeurs ne peuvent prévoir qui seront leurs véritables destinataires. Les auteurs ne s'engagent pas moins dans l'aventure consistant à expédier leurs lettres en direction d'amis non identifiés. L'expéditeur de ce genre de lettres d'amitié envoie ses textes au monde et peut provoquer une quantité indéterminée de possibilités de lier amitié avec des lecteurs qui n’ont pas de nom. Le texte lance une séduction dans le lointain, une action à distance en se donnant pour objectif de dévoiler l'ami inconnu comme tel et l'inciter à rejoindre le cercle d'amis. Le lecteur en recevant ce "carton d'invitation" s'inscrit, s'il se laisse “réchauffer” par cette lecture, dans le cercle des destinataires, pour confirmer l'arrivée du message...

En mélangeant nos mots dans nos nouvelles identités nous réalisons, ici, le vieux fantasme communautaire d’une société littéraire dans laquelle les participants découvrent leur amour commun pour des émetteurs qui les inspirent, rêve de la solidarité fatidique de ceux qui sont choisis pour pouvoir lire...
J'allais oublier, cette affaire a un nom : humanité.

Cette analyse doit tout à Peter Sloterdijk , rapportée à ce qui nous anime ici...

03 mai 2007

Vernissage...



J'avais déjà exposé, de manière occasionnelle et confidentielle, j'avais montré et les autres avaient regardé, commenté, et pour les plus aimables, apprécié certains travaux. J'étais pourtant resté insatisfait, l'impression de passer à côté. C'était donc ça, une mise en scène, un échange mondain, attirer, séduire, expliquer à l'un la technique, à l'autre les influences, acquiescer, à la merci... Ce n'est pas ce que je voulais. J'ai tout rangé dans des cartons et poussé ça dans la cave, avec les choses à oublier. Affaire classée.
Un jour, j'ai commencé ce blog. J'ai raconté des trucs et des machins et puis, un soir, le blanc, le noir, plus rien. J'allais abandonner, quitter ces lieux et retourner à la lumière naturelle, quand l'idée de ressortir ces images m'a traversé, les mettre, en attendant, pour voir, à la place des mots.





En les exposant ici, en les regardant avec vous, j'ai écouté attentivement ce que vous en disiez. Je ne sais toujours pas pourquoi ces images ont surgi, quelles obscures tensions elles traduisaient... Je les ai redécouvertes, enrichies de vos impressions, analyses, discours. C'est comme ça que j'imaginais une exposition, autrefois...

01 mai 2007

Absence...



Chacun s'est retrouvé, un jour ou l'autre, prisonnier d'une conversation qui l'engourdissait au point, pour les plus sensibles, de basculer dans l'inconscience, d'en tomber littéralement. Un lieu clos, une réunion, un repas "de famille", des conventions à respecter, personne n'échappe continuellement à ces passages obligés.

Pris dans ce piège, la meilleure manière de survivre, c'est de participer, de s'engager. Il arrive, pourtant, que les sujets abordés nous éloignent irrésistiblement du centre d'intérêt. Sans s'en apercevoir, on se retrouve à la périphérie, dans une zone indéfinie, uniformément grise. On voit encore les lèvres s'agiter, les sons parcourent bien l'air alentour, mais le sens a disparu. L'esprit se solidifie, la matière souple et légère est remplacée par du plomb, un caillou. L'inertie l'emporte, le malaise grandit et l'air commence à manquer.

Les interminables séances de photos (l'avancement des travaux, le périple en péniche...) et les discussions sur les inconnus (le fils du cousin Jean, le boucher du village...), sont propices à ce genre d'expérience. On est coincé, attaché, à cette table, sur ce canapé, assourdi et abattu, mobilisant nos dernières ressources pour faire bonne figure. Impossible de s'évader, de penser à autre chose, une miette d'éducation nous retient toujours. Trouver la force de décocher un sourire, poser encore une question. Il faut résister, tenir.

Une fois, jeune et inexpérimenté, dès le repas achevé, à peine "passé au salon", je me suis assoupi, fuite irrépressible dans un sommeil bienheureux. Le réveil fut cruel. J'étais toujours là, sur ce maudit fauteuil, entouré de regards fort désapprobateurs, sans compter la volée de reproches sur le chemin du retour. Enfin, cette fois là, j'avais gagné, nous n'avons plus été invités.

L'autre jour, j'ai de nouveau ressenti ces affres, la conversation naviguait à perte de vue sur des océans d'inconsistance, je me suis retité dans ma cabine, j'ai fermé les écoutilles, j'ai plongé dans la mare et je suis retourné avec vous ... ça n'a pas duré, on m'a vu pendant que je faisais tranquillement la planche, les yeux tournés vers l'horizon, ... Je suis vite remonté à la surface, j'ai repris du rôti, et quand on m'a dit, "t'étais où ?", j'ai répondu, "c'était délicieux" et la conversation a repris son train-train épuisant, comme si de rien n'était...