05 avril 2007

Constitution...


Quelles sont les règles qui régissent nos rapports sur cette planète. Qui définit et pose la loi ?
Personne, chacun, tout le monde. C'est la confusion qui règne. Alors, j'ai relu mes premiers billets en postulant qu'en les écrivant je traçais inconsciemment des limites pour survivre sur cette terre inconnue. Les lois de la planète Terre ne m'intéressaient pas. Elles ont conduit à l'aliénation, l'inégalité et la haine... Je voulais, sûrement, en venant dans ce nouveau monde, changer les choses...
Bonne pioche.
J'ai trouvé deux textes qui définissent clairement le code que je choisissais de poser et de suivre. Je remarque que ce sont les seuls textes dont je ne suis pas l'auteur. Le premier est une déclaration. Le deuxième est une série de prescriptions. Je vous les livre à nouveau, replacés dans cette perspective. Aujourd'hui, je n'ai rien à ajouter. Ils sont ma Constitution.

Déclaration
Notre condition n'est ni tragique ni frivole, mais simplement sérieuse...
Le « tous les jours » est le régime éthique de la continuité vertueuse par opposition à l'intermittence esthétique. L'héroïsme est spasmodique, mais la vertu doit être chronique: que dirait-on d'un juste qui n'aurait de vie morale que le dimanche?
Le comportement doit être conforme au devoir sans être inspiré par le devoir.
L'idée d'une charité professionnelle est à peine moins ridicule que celle d'une gaité professionnelle, d'un humour professionnel ou d'un charme professionnel: car la joie, l'humour et le charme sont des mouvements qui exigent toute la fraicheur et toute la pudeur de la spontanéité.
Le devenir n'est pas seulement la propulsion par l'instant, il est encore le mouvement acquis; il est retentissement, mémoire et immanence du passé au présent; l'homme du remords ne le sait que trop bien.
Le commencement dépend de nous, mais la continuation dépend du commencement une fois posé et suit inexorablement son cours, même si nous cessons de la vouloir.
Pour commencer, il faut commencer par commencer. Dans l'art du commencer rien à apprendre. On n'apprend pas à commencer, mais seulement à continuer.
Pour ce qui est de vouloir, nul ne peut me remplacer.
Si le courage est la vertu de l'instant, la fidélité est la vertu de l'intervalle.
Le courage est la vertu inaugurale du commencement, de même que la fidélité est la vertu de la continuation et le sacrifice celle de la fin. Il faut du courage pour rester fidèle. La fidélité est un courage opiniâtrement continué.
Pour avoir du courage, il est nécessaire d'avoir peur. C'est la peur surmontée et non l'absence de peur qui faIt le courage. Le courage ne peut ête ni thésaurisé ni capitalisé.
La fidélité est la vertu du temps continu comme le courage est la vertu du passage à l'acte. L'important est d'être fidèle par amour, non par contrainte ni par ascèse. Le fidèle suit sa voie quoi qu'il arrive, et jusqu'à l'absurde s'il le faut. C'est peut-être dans cet entêtement paradoxal de la volonté que la constance du sage est la plus belle.
Celui à qui manque une seule vertu n'en a aucune, celui qui en a une les a toutes. Philosophie stoïcienne du « mélange total ». Que serait la sincérité sans le courage? La charité sans la modestie...
Vladimir Jankélévitch ( à partir du Traité des vertus )

Prescriptions

Ne t'attarde pas à l'ornière des résultats.

Tiens vis à vis des autres ce que tu t'es promis à toi seul. Là est ton contrat.

Hâte-toi de transmettre ta part de merveilleux, de rebellion, de bienfaisance.

Enfonce-toi dans l'inconnu qui creuse. Oblige-toi à tournoyer.

Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque.

Imite le moins possible les hommes dans leur énigmatique manie de faire les noeuds.

Donne toujours plus que tu ne peux reprendre. Et oublie.

Ne te courbe que pour aimer.
René Char