11 septembre 2006

Pause, considération 1: la vertu

Fragments (Traité des vertus, Jankelevitch)

Berlin, 09/02/06

Notre condition n'est ni tragique ni frivole, mais simplement sérieuse...

Le « tous les jours » est le régime éthique de la continuité vertueuse par opposition à l'intermittence esthétique. L'héroïsme est spasmodique, mais la vertu doit être chronique: que dirait-on d'un juste qui n'aurait de vie morale que le dimanche?

Prague 12/02/06


Le comportement doit être conforme au devoir sans être inspiré par le devoir.
L'idée d'une charité professionnelle est à peine moins ridicule que celle d'une gaité professionnelle, d'un humour professionnel ou d'un charme professionnel: car la joie,l'humour et le charme sont des mouvements qui exigent toute la fraicheur et toute la pudeur de la spontanéité.

Vienne 15/02/06

Le devenir n'est pas seulement la propulsion par l'instant, il est encore le mouvement acquis; il est retentissement, mémoire et immanence du passé au présent; l'homme du remords ne le sait que trop bien.
Le commencement dépend de nous, mais la continuation dépend du commencement une fois posé et suit inexorablement son cours, même si nous cessons de la vouloir.

Bilbao 02/03/06

Pour commencer, il faut commencer par commencer. Commencer,plonger, sauter en parchute sont à cet égard des décisions du même ordre: ce sont des choses qu'il faut faire soi-même, et en fermant les yeux, que personne ne peut faire à notre place; dans l'art du commencer rien à apprendre. On n'apprend pas à commencer, mais seulement à continuer.
Pour ce qui est de vouloir, nul ne peut me remplacer.
Si le courage est la vertu de l'instant, la fidélité est la vertu de l'intervalle.
Le courage est la vertu inaugurale du commencement,de même que la fidélité est la vertu de la continuation et le sacrifice celle de la fin. Il faut du courage pour rester fidèle. La fidélité est un courage opiniâtrement continué.
Pour avoir du courage, il est nécessaire d'avoir peur. C'est la peur surmontée et non l'absence de peur qui faIt le courage. Le courage ne peut ête ni thésaurisé ni capitalisé.
La fidélité est la vertu du temps continu comme le courage est la vertu du passage à l'acte. L'important est d'être fidèle par amour, non par contrainte ni par ascèse. Le fidèle suit sa voie quoi qu'il arrive, et jusqu'à l'absurde s'il le faut. C'est peut-être dans cet entêtement paradoxal de la volonté que la constance du sage est la plus belle.

New York, Ground Zero 23/03/06

Celui à qui manque une seule vertu n'en a aucune, celui qui en a une les a toutes. Philosophie stoïcienne du « mélange total ». Que serait la sincérité sans le courage? La charité sans la modestie...