08 mai 2007

Dessine moi un ami...


Quelle histoire... ces commentaires à perdre l'envie de mettre le nez dehors. Prendre le temps de savourer puis revenir sur terre, ne pas se laisser entraîner trop loin par ce chant si doux, s'arrêter quand même un instant pour saisir les raisons de ce charmant mouvement. Cette forme d’échanges, qui provoque de tels élans de sincérité, de générosité n'est pas nouvelle, c'est l'une des conséquences de l'aphabétisation ...

Depuis que la philosophie existe comme genre littéraire, elle recrute ses partisans en écrivant sur l'amour et l'amitié, et si elle est restée vivante depuis 2500 ans, elle le doit à sa faculté de se faire des amis par le texte. Règle du jeu de la culture de l'écrit, les expéditeurs ne peuvent prévoir qui seront leurs véritables destinataires. Les auteurs ne s'engagent pas moins dans l'aventure consistant à expédier leurs lettres en direction d'amis non identifiés. L'expéditeur de ce genre de lettres d'amitié envoie ses textes au monde et peut provoquer une quantité indéterminée de possibilités de lier amitié avec des lecteurs qui n’ont pas de nom. Le texte lance une séduction dans le lointain, une action à distance en se donnant pour objectif de dévoiler l'ami inconnu comme tel et l'inciter à rejoindre le cercle d'amis. Le lecteur en recevant ce "carton d'invitation" s'inscrit, s'il se laisse “réchauffer” par cette lecture, dans le cercle des destinataires, pour confirmer l'arrivée du message...

En mélangeant nos mots dans nos nouvelles identités nous réalisons, ici, le vieux fantasme communautaire d’une société littéraire dans laquelle les participants découvrent leur amour commun pour des émetteurs qui les inspirent, rêve de la solidarité fatidique de ceux qui sont choisis pour pouvoir lire...
J'allais oublier, cette affaire a un nom : humanité.

Cette analyse doit tout à Peter Sloterdijk , rapportée à ce qui nous anime ici...