
Sans les mots, le monde devient muet, absurde...
Mais tous n'ont pas le même statut, la plupart servent juste à papoter avec le quotidien et bidouiller avec la technique ... seuls certains saississent et entaillent l'espace et le temps, dévoilant des micro-déchirures obscures ou lumineuses...
Le relevé des fragments suivants est purement fortuit. J'ouvre au hasard mes vieux carnets, certains ont vingt ans et je pioche. Devant ces textes, ce n'est pas le temps qui est suspendu, mais l'être, mis à nu par le mot...
Rapprochements
D'abord l'austère Char habillé de gris et légèrement penché suivi par le désespéré Cioran, en bleu, bien droit.
Ce matin, après avoir entendu un astronome parler de milliards de soleils, j'ai renoncé à faire ma toilette: à quoi bon se laver encore?

Ces idées qui survolent l'espace et qui, tout à coup, se heurtent aux parois du crâne...

L'illusion enfante et soutient le monde; on ne la détruit pas sans le détruire. C'est ce que je fais chaque jour. Opération apparemment inefficace, puisqu'il me faut la recommencer le lendemain.

Après tout, je n'ai pas perdu mon temps, moi aussi je me suis trémoussé, comme tout un chacun, dans cet univers aberrant.

Cette foule d'ancêtres qui se lamentent dans mon sang... Par respect pour leurs défaites, je m'abaisse aux soupirs.
