17 octobre 2006

L'ile de glace, récit ...


Avant, je pensais que le carnet de voyage ressemblait à ce qui va suivre... depuis, je sais qu'il y a, entre les lignes et les images, des espaces dans lesquels on peut s'introduire et faire sa petite cuisine. Mais à l'époque, j'étais tout content de montrer ces photos et de rapporter ce que j'avais fait sauf que ... entre l'expérience vécue et le récit, difficile de dire ce qui domine...

Pitre 1

Sortir, pas si facile...



....la première fois...l'Islande

On décide sur un coup de tête, défi qu’on (se) lance, on le dit un peu partout, on finit par y croire, ne plus pouvoir reculer sans perdre la face et un matin, ç’est le jour du départ.

A partir de là, les liens sont (provisoirement) coupés, l’équilibre quotidien déstabilisé, le coeur et le corps deviennent incertains, on tangue un peu, sorte d’ivresse entre euphorie et désespoir...

On voyage pour aller à la rencontre de celui qu’on est devenu,
pour comprendre, un peu, le monde auquel on est tant habitué. On sort, pour prendre l’air, bien sûr, mais aussi pour jeter un oeil sur toute cette histoire, la notre ...

Compte-rendu de l'expérience:
Voyage en Islande, juillet 2004.
( Le texte a été rédigé quotidiennement pendant toute la durée de l'observation)

Jour 1: Paris/Reykjavik

11h30 Roissy Charles de Gaulle
Voilà, ça y est, je suis sorti de moi-même et je me demande qui est là, pourquoi il est là...
Seul, étranger, inconnu, sans repères, arraché au quotidien, comme perdu, absent...

Je cherche une poubelle pour me débarrasser de mon livre ”Le sérieux de l’intention”, pénible, trop lourd, encombrant, inutile...
.../...
pizza et tarte aux pommes dans le sous-sol du terminal 1. Je me sens comme veuf, pauvre, chômeur, étranger ... privé d’existence, effacé du monde , un insecte , une tâche.

Embarquement.
Un bel et grand aéroplane... arrivée

Pitre 2
L'arrivée...le vrai départ

Les premiers pas...


Pas un arbre , juste des cailloux bruns, nuances de noir clair, obscur...
Peu de relief à perte de vue, très loin, des collines, gris sur gris.
Désolation dehors, désolation dedans.

Minibus pour Reykjavik.
Ville neuve, artères perpendiculaires, décor trop vite construit entre deux cataclysmes, trottoirs propres:les chiens sont interdits.
On pose les sacs. Chambre 4.
Je marche au hasard, de nulle part à nulle part, j’erre
.../...
Buffet de poissons.
Je rentre, au soleil il est toujours 15 heures.
Pas de volets; longue sieste en perspective.


Jour 2
Réveil 00h30, en sueur, il fait jour, à la télé il y a Muse.
Réveil à 5h30. Il fait jour.
...douche, l’eau chaude sent l’oeuf pourri. Géothermie.
.../...
Sur la piste, pause:


le volcan Hakla: feu et glace, noir et blanc, neige et cendres, terre de contrastes.
...un paysage d’un autre monde (celui d’avant, celui d’après, celui d’ailleurs ?) s’installe autour du bus.
...comme si on avait retourné notre monde ( vision de l’interieur passé à l’extérieur) , éclairage faible et vague, diffus.
C’est à la fois le début de la Terre et la fin du monde.
Arrivée au camp. Landmanalauger ...marche.


.../...
Vers beaucoup plus tard, il fait jour, on mange.

Jour 3
...lever, personne. Température extérieure: 8°environ, temps brumeux, humide, vent fort.
Un bain: piscine naturelle d’eau chaude: bassin où convergent deux rivières, une d’eau froide, venue d’un glacier et une d’eau brûlante, sortie de la terre. On avance dans l’eau tiède, on s’allonge et on fait varier la température de l’eau en s’approchant ou s’éloignant d’une des deux sources.



9h30. Départ sous la pluie. Massif de Torfajökull. Sources chaudes de Storihver, montagne Brennisteinsalda, coulée de lave de Laugarhaun. (Un vent glacé et violent nous accompagne toute la journée. On monte, on descend, on trotte sur des cendres, dans la neige, dans la lave, sur la mousse, le sol est rouge, jaune, noir, blanc, vert... C’est vraiment inattendu, austère, presque hostile ...
16h. Répit, allongés dans la mousse, on regarde le temps passer à l’abri du vent. on somnole, fatigués. Au loin, quatre cygnes.

On rentre.


Jour 4
7h30 Réveil.Montée jusqu’au sommet, montagne Blàhnùkur.


On redescend, retour au camp, on mange, on démonte , on range, on installe tout dans le car... piste chaotique, un autre bout du monde, fin de piste. ... puis à pied dans la faille de feu. C’est long et monotone, de la cendre, tout est recouvert de poussière noire.



...mal au ventre, je balance entre l’euphorie du matin, c’est vraiment extraordinaire et le découragement, plus jamais ça.
... cascade d’Ofaerufoss , les collines volcaniques jusqu’au fleuve Skaftà.
Épuisant.
19h30 On arrive à Skaelingar, bivouac.
repas: des truites sauvages achetées le matin à un pêcheur: réconciliation avec le monde.

Jour 5
Toilette dans la rivière ( 5°), KK dans la mousse, papier brûlé au briquet...(retour aux joies simples.)


9h30. Départ, on longe la rivière Skaftà jusqu’aux cratères de Kambar, puis on contourne les cratères d’Uxatindar. On marche , on marche, on marche...

22h. Toujours au bivouac


Pitre 3
L'eau, la glace...


Jour 6

6h30 Réveil dans la brume.
Petit bain dans la rivière pour retrouver ses esprits. L’eau arrive directement du glacier, ravigoré en quelques instants...
Le temps que je croyais définitivement arrêté s’est enfin remis en marche,...sans doute tenir, puis revenir , retrouver les habitudes, reprendre sa peau.
.../...

remarques (prosaïques)

1) Sympa:
-manger du saumon à tous les repas
-marcher en pleine nature pendant des heures
-changer de chaussettes
-prendre une douche de temps en temps

2) Pas sympa:
-manger des trucs plus trop frais qu’on trimballe depuis plusieurs jours
-remettre des chaussettes sales
-pire, remettre des chaussettes sales et mouillées
-avoir mal quelque part ( dos, ventre, pied, âme...)
-pire, avoir mal partout
-rester discuter des heures le soir
-pire, rester sans rien dire
-avoir emporté un livre nul
-monter et démonter des tentes à tout bout de champ
-..... tout ce barda
...


On démonte, rassemble, protège tout et on s’en va, destination Holaskjol.
Formations étranges de lave, rivières, cascades...le lot quotidien d’ un pays inhabitable.
On passe 2 gués .../...
Arrivés de nulle part , on monte, range, installe et prépare.



Jour 7
Marche au bord de la rivière d’ Ofaera jusqu’au “ lac du cygne”
Deux reflexions à méditer:
Le guide:” En Islande, tout est possible, rien n’est normal.”
Moi: “ Les affaires mettent quelques secondes à se mouiller et un temps infini à sécher”.

À peine arrivés, on repart: de nouveau démontage, rangement, portage...chacun est, silencieux, efficace ...
Dans la brochure, il était noté “ un petit coup de main est toujours bienvenu” (page 5)..


Jour 8
Skaftafell, le parc national, au pied du plus grand glacier d’Europe.

Jour 9

Jökulsàrlon
Les lacs glaciaires. comme un enfant, émerveillé, fasciné ...

Jour 10
Temps maussade : pluie, brouillard...
Randonnée, on patauge, on redescend, on traverse les terres devastées par l’explosion du glacier en 1996 ( éruption volcanique, fonte de la glace, crue torrentielle arrachant tout et laissant la plaine désertique, pendant longtemps les 4x4 ont roulé au milieu d’icebergs qui s’étaient détachés ...)



Loi 1: après 8 heures de marche sous la pluie, on peut disserter sur les différentes nuances du mouillé, de l’ humide, du trempé, détrempé et imbibé.
Loi 2: il faut, à l’aide d’un sèche mains électrique, type toilettes de station service, plusieurs heures de patience infinie, pour réduire la quantité d’eau absorbée par les chaussures et les vêtements...


Pitre 4
Vue sur mer...

Sur la plage, abandonné...



Jour 11
Lever 4h45
Il fait meilleur, je sors tout, j’étale, je secoue, j’étends dans les arbres, sur la tente, par terre, sur des sacs, je guette les rayons du soleil et le sens du vent pour tout déplacer, arranger différemment, j’aère, je déshumidifie, ...


On repart. Tout ranger, espérer que ces gros nuages noirs et menaçants qui sont réapparus vont attendre encore un peu avant de gronder...
Tout est dans le car...départ pour Vik.



Arrivée à 13h40
De nouveau, tout sortir, tout porter jusqu’à l’emplacement, installer, monter pour la dernière fois, devant une falaise envahie de mouettes, bruyantes, extrémement.
Pour la première fois de ma vie, sieste avant de manger.
15h45, grignotage puis balade au pied des falaises de Reynisfjall.
La plage est magnifique, le sable est noir.


..ça doit être chouette l’été...

Montée, observation des macareux; par centaines, les pattes bien serrées, en arrière au décollage, ils battent très rapidement des ailes en vol; pattes écartées et sur l’avant à l’atterrissage, anchois au bec... Grosse activité aérienne.

Au retour, allongé sur le sable froid , je suis des yeux les gros rouleaux, je m’attarde.



Jour 12
Réveillé à 5h30, douche, la malheureuse serviette que j’avais réussi à conserver propre rate le crochet destiné à la maintenir à bonne hauteur et s’étale à mes pieds dans un jus noirâtre qu’elle absorbe instantanément. Quand je la ramasse, désabusé, elle est lourde, sale et froide.../...
rando.
approche longue, on monte, on descend dans les landes de Fagradlasheiôi, de 9h à 18h, plein les pattes.
À l’arrivée, il pleut, fort.
Récompense: 2 gigots au BBQ.

Jour 13

Les falaises sous la pluie, les macareux... on rentre, on range, on jette, on attend le car. C’est fini. Retour à Reykjavik. On passe devant la cascade de Skogafoss,..., crême glacée, gare routière, minibus et hôtel, resto, rideau.

Jour 14
Réveil 4h15
Longue journée pour rentrer
Arrivé à la maison à 21h15.

- Fin des relevés -