07 octobre 2006

Viv'lé vakanssss !!!


Au retour des vacances, on ne sait pas trop quoi faire de tout ce qu'on a vu, pensé, ressenti... La plupart du temps, on passe à autre chose, on a consommé. Cette fois, les choses se sont passées un peu différemment.

Au début, ça a commencé comme ça:
Comme tous les nigauds, j'ai cédé à la tentation et j'ai en permanence, dans la banane ou dans la poche, l'indispensable appareil photo numérique, que je sors à tout bout de champ pour mitrailler n'importe qui et n'importe quoi.
Petit à petit, c'est même devenu l'objectif principal (après tout, ce qui permet de se souvenir n'est pas vraiment le monument en gros plan, celui de la carte postale, mais tout aussi bien et peut être même plus ce qui se trouve à côté, obligeant à faire un effort, à reconstituer à partir d'un fragment, le reste du vu et vécu).

Alors, progressivement, le choix des plans s'est opéré plus en fonction de critères pratiques: j'ai soif, je bois un coup, j'en profite pour faire des clichés, j'attends les autres, je prends un chewingum dans la même poche, ... enfin rien qui permette d'établir une théorie esthétique, de respecter la lumière... tout ce genre de trucs...
Toujours est-il qu'à la fin on se retrouve avec des centaines d'images dont l'intêret est loin d'être primordial, mais comme on n'aime pas jeter, on empile tout ça sur l'ordi et on rejoue le cauchemar des séances de diaporama de notre enfance auprès des rares personnes qui ne peuvent pas refuser, se défiler ou s'échapper: les amis (les vrais) et la famille (très proche).
Ce qui génère, tout bien considéré, un sentiment de frustration voire d'écoeurement pour les plus sensibles.Un vrai gachis.

A la fin de ce voyage, j'ai donc, tout installé et tout regardé. Comme le hasard était pour beaucoup dans les moments pris, les photos ne répondaient pas à l'attente que l'on a en général: "Ah, là, tu vois c'est le machin du roi je sais plus comment" (on se souvient rarement de tout) "et là, c'est le jour où, tu vois, c'était trop marrant" (là, tout ceux qui participaient à l'action parlent en même temps , se rappellent des tas de détails qui les renvoient à d'autres situations où y'a pas les photos mais bon, et toi, l'ami, le frère, tu souffres, et si c'est l'heure de l'apéro, tu t'empiffres de chips (même si tu sais que c'est pas très bon et que tu vas regretter) et tu bois pour oublier, et tu te promets que la prochaine fois , tu résisteras. Le seul point positif qui fait que tu restes, que tu ne sombres pas dans un profonde dépression, c'est la promesse d'une éventuelle vengeance...

Tout ça pour dire que cette fois ces images avaient un parfum d'étrangeté. Alors je les ai regardées autrement et j’ai cherché à leur donner un sens, à dévoiler ce qu’elles pouvaient cacher, masquer. Bien sûr tout ce qui suit relève de la plus pure fantaisie et toute ressemblance avec...


Fiche technique :
Décor: Italie du sud, Naples, Pompéi, Capri, la côte amalfitaine ...
Situation: petit trek facile, 15 participants , guide locale. Mai 2006.
(les figurants sont consentants et bénévoles)

Tout a vraiment commencé avec cette photo:



Remark n°1
Quand les corps sont fatigués, après avoir été longtemps mis en mouvement, ils prennent des positions inattendues, présentent une densité particulière, s'enracinent, s'accrochent au sol et leur immobilité s'intensifie... ils ressemblent alors à des santons qu'une main invisible aurait installé dans une crèche improbable...

A partir de là, je n'ai plus resisté ...

Remark 2 : Quand le multiple devient un

Parfois, nous perdons notre identité et nous nous transformons en un monstre à plusieurs têtes.
Notre propre corps s'intègre alors à celui des autres pour former une seule entité, le corps social...

Illustration1:
l'entité se prépare à manger,le corps est aligné...



Illustration 2:
l'entité observe son environnement, le corps écarte ses membres,
les paires d'yeux contrôlent toutes les directions.



Illustration 3:
l'entité se déplace, le corps constitué occupe de manière rationnelle l'espace disponible...



Illustration 4
La séquence suivante montre la disparition de la volonté individuelle au profit de la volonté collective.
Le corps social, par la pression qu'il exerce sur chacun de ses membres les entraîne dans un même mouvement à adopter des postures conformes...

De l'extérieur, on ne comprend pas bien ce qui se passe, un peu, comme on s'interroge sur les motivations des fourmis...









Une fois parti, difficile de s'arrêter...

Remark 3 :les signes d’appartenance

Pour appartenir à une société, s’intégrer dans une communauté, l’individu est souvent prêt à adopter une parure commune comme signe de reconnaissance. Dans les images suivantes on peut reconnaître différents types d’artifices qui renforcent la cohésion et l’identité du groupe.

illustration 1


Ici, rompant radicalement avec sa tribu habituelle, chaque individu se présente paré d’une série d’artifices qui crée d’une part une indifférenciation, une dépersonnalisation et d’autre part une ressemblance, une nouvelle identité. Pour mieux appréhender ce phénomène, on peut le penser négativement. Chacun éprouverait, en effet, un sentiment de rejet envers celui qui ne respecterait pas ce nouveau code et se présenterait dans son costume traditionnel.

Illustration 2


Le phénomène mimétique. Il est facile de reconnaître un autre soi-même et de l’estimer à sa juste valeur quand nous partageons la même image. (de soi).

Comme il est rare qu'on se trouve soi-même sur les photos, les autres peuvent l'objet de tous les analyses...

Remark 5: Les autres

Dans le groupe, tous les éléments ne sont pas équivalents, l’unité relève d’une agrégation: les préférences de chacun (partir en vacances, rencontrer des gens, monter sur le Vésuve, voir Capri...) s’agrègent pour permettre une action collective. En observant les comportements de chacun des membres de la collectivité on voit bien vite ces différences .

En voici 2 illustrations.
Dans ces situations l’individu adopte une posture inhabituelle, en rupture avec le reste du groupe. Il n’y a pas de véritable transgression, l’individu ne remet pas en question la norme mais exprime simplement sa différence.

Illustration 1

L’interprétation d’un tel comportement est difficile à saisir...

Illustration 2:

Ici,au contraire, le personnage , par son attitude sans ambiguité, exprime sa différence et révèle la nature de son désir.

On pourrait disserter sans fin sur la psychologie de chacun, les interactions entre les membres du groupe, les relations de pouvoir ... mais les vacances ne durent qu'un temps et, bientôt, c’est le départ ...

Remark 5 : La séparation
Ce sont les corps (substance présente) qui se mettent à parler, les esprits sont déjà ailleurs, repartis chez eux. Les corps reprennent leur autonomie, ils se détachent du groupe qui les rassemblait jusqu’à présent.. Pour manifester ce changement, ils s’installent sur des lignes imaginaires qui définissent des frontières à franchir pour revenir, retourner dans leur vie d’avant.
Illustrations:




Et voilà, c'est fini.
On rentre chez soi et, sur le chemin du retour, le quotidien à venir efface nos traces et nous remet dans nos chaussures de ville...

... mais, le meilleur reste dorénavant à venir. Arrivé à la maison, les photos vont se mettre à raconter des tas d'histoires...