10 janvier 2007

Cache-misère...


Il y a quelques jours, je posais une question à la fin d'un billet. Voici le début d'une réponse...

L'humour et la poésie modifient la distance du regard porté sur l'homme. En augmentant la distance, la poésie s'élève, monte aux arbres et s'échappe vers le ciel. A une certaine hauteur, les hommes ressemblent à des créatures imaginées, leurs mouvements à des danses énigmatiques, leur agitation paraît répondre aux ordres d'un marionnettiste aveugle. Dans un mouvement inverse, en réduisant la distance, en forçant le trait, l'humour relève leurs travers, accentue les défauts. La caricature, la répétition, l'exagération sont les artifices pour provoquer le rire. Humour et poésie empruntent principalement la métaphore pour parvenir à leurs fins. C'est l'écart entre le sens habituel du mot et son sens imagé qui crée l'effet et secoue l'homme. Si la distance est trop importante, on reste sur le bord, incapable de franchir le vide et l'effet est raté. Pour apprécier, on doit devenir acteur dans les deux exercices, on doit parcourir seul le morceau manquant, interpréter. Cette liberté et cet engagement provoquent la sensation, l'excitation ou la jubilation. La surprise joue sa part. Prévoir l'effet, tendre le piège et attendre, voilà le plaisir enfantin de l'écriture, comme cette tension ressentie dans l'attente à cache-cache. Regarder l'autre hésiter, chercher puis oser franchir la rivière en sautant de pierre en pierre, au risque de glisser, de se mouiller, et se diriger vers nous.

Remarque 1
Poésie et humour ne s'embarrassent pas des conventions, ils sautent par dessus les barrières sociales, court-circuitent les hiérarchies, visent le coeur. Paroles de résistance, elles sont vitales.

Remarque 2
Celui qui reste dans le jeu pour faire semblant, pour observer les autres et les railler, les moquer est ob/scène.

Remarque 3
L'écueil de l'humour est de s'approcher pour réduire l'autre, le montrer petit, dans sa faiblesse et sa détresse.
L'écueil de la poésie est de s'éloigner et de perdre de vue l'autre, de se gorger de ses propres mots devenus délire.