24 janvier 2007

Tri sélectif...

"... hier, j'ai subi une anesthésie... dans la pièce où j'attendais mon tour, patientait aussi un couple. Je n'aime pas trop engager la conversation mais la promiscuité, tous les deux torse nu attendant le même examen, encourageait le contact. Un bavardage inconséquent s'est installé, le médecin, l'inquiétude... Quand le mari fut parti, crispé, la discussion se détendit et, avec l'inconnue, nous nous confiâmes nos peines et soucis respectifs. Elle me raconta la mort récente de son père, la souffrance quand sa mère, alors qu'elle avait dix-sept ans, perdit la raison à la suite d'une attaque, le jeune frère et la soeur dont elle s'occupa, le travail, institutrice, les années jetées à la va vite, la souffrance, le soulagement de la psychothérapie, puis son mari revint, la bouche pâteuse et le verbe hésitant, les banalités aussi... ce fut mon tour, la rapidité de l'anesthésie, l'absence, le repos dans la chambre, la visite du médecin et le retour à la case maison. Ce soir, j'apprends que cette femme a un lien avec moi. Elle est l'amie d'une amie qui a vécu cette nuit un cauchemar épouvantable. Animatrice d'un comité de lecture à V., elle rentrait en voiture chez elle quand des masses d'eaux furieuses et boueuses ont envahi la chaussée, noyant le moteur et l'obligeant à abandonner son véhicule, à se protéger derrière un muret et à hurler à la mort. Deux passants ont d'abord essayé de venir à sa rescousse, vainement. Ce sont les pompiers, prévenus par des appels désespérés, qui l'ont finalement encordée, tractée et sauvée..."


Sans doute troublé par cette hisoire, j'avais éprouvé la nécessité de la consigner dans un carnet, le rouge, le 23 septembre 1993.
En recherchant dans les archives de La Provence, on retrouverait les détails de cette crue et dans les registres de la clinique l'identité des personnages.

Remarque 1
J'ai relu cette année ce carnet... Je n'ai gardé aucun souvenir de cette histoire. Rien.

Remarque 2
La mémoire est sélective, on le sait. Elle semble fonctionner comme nous le faisons avec nos déchets. Chaque soir, nous vidons la poubelle. Une grande décharge recueille tous ces faits et gestes et les abandonne au temps, grand dévoreur. Certains jettent beaucoup, d'autres peu, nous nous attachons à des vieilles choses, il y a des encombrants, tout un fouillis inutile qu'on accumule, souvent en vrac et puis certaines images, sons et odeurs qui collent au fond de la boîte. De ce qui a été vécu dans la journée reste peu, nos sociétés produisent une quantité impressionnante de déchets.

Pour organiser le tri, il faut lire atentivement ce document :
(pour y voir clair, il faut cliquer...)